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des problèmes platoniciens

soyons aussi loin que possible des vues actuelles sur la nature des choses et des êtres. La physique, en tant que science véritable, celle que Platon appelait de tous ses vœux, la physique mathématique, se fera encore attendre pendant vingt siècles. Et dans l’intervalle, la mythologie du Timée, prise au pied de la lettre par le Moyen Âge, aura une fécondité déplorable, dont je relève cet exemple curieux. Du fait que Platon s’est amusé à décrire les mouvements des astres dans un langage emprunté aux modèles de verre que savaient fabriquer les astronomes anciens, il est arrivé que la réalité céleste des sphères cristallines est devenue, pendant des siècles, une sorte d’article de foi.

Il y a cependant une remarque à faire, après avoir admiré comme la connexion des formes mathématiques et des données d’observation s’est affinée, précisée, vérifiée, depuis trois siècles sous le double progrès également prodigieux — et plus prodigieux à mesure qu’on se rapproche de notre temps — des combinaisons analytiques et des techniques expérimentales. Si la zone moyenne est de mieux en mieux éclairée, on doit avouer qu’aux deux extrémités, pour les philosophes témoins de la science, pour les savants contraints de se faire philosophes par la complexité et le caractère déconcertant de leurs découvertes, les théories et les doutes ne cessent de s’échanger et de se multiplier.

D’une part, le mécanisme rigide qui, depuis Galilée et Descartes, passait pour la norme de recherche en matière physique, se trouve aujourd’hui, sinon renversé, du moins limité, par le principe d’incertitude d’Heisenberg qui apporte une confirmation expresse à la thèse qu’Émile Boutroux eut la gloire de formuler en 1874 dans la Contingence des Lois de la Nature. Considérons, d’autre part, cette relation des nombres aux Idées, qui paraît avoir été le cœur de l’enseignement oral de l’Académie (dans l’état de notre documentation, elle demeure une énigme seulement à moitié déchiffrée par les érudits contemporains) : elle définit très exactement les termes des recherches actuelles, de plus en plus