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l’actualité

et qui s’exprime d’une façon saisissante par l’allégorie classique où Platon nous invite à considérer les hommes, pris à l’état brut, comme des prisonniers enchaînés au fond d’une caverne, tournant le dos à l’orifice : ils ne peuvent apercevoir que les ombres d’objets artificiels, projetées sur un mur situé en dehors de la caverne et lui-même éclairé par un feu extérieur. Ce feu symbolise le soleil, qui est à son tour le symbole d’une lumière purement intellectuelle.

Pour Platon, le spectacle du ciel visible sera une occasion, et une occasion seulement, de parvenir à « la contemplation des vraies formes, lesquelles, soumises à une vitesse ou à une lenteur réelles, composent un nombre véritable de vraies figures que la raison seule et l’entendement connaissent ». Les yeux du corps ne les voient pas. De même pour la musique : rechercher de quels nombres résultent les accords qui frappent nos oreilles, cela doit être uniquement le moyen de découvrir quels nombres sont harmoniques et quels nombres ne sont pas harmoniques, et le pourquoi de ces deux espèces de nombres.

D’étape en étape, de participation en participation, par delà même les hypothèses auxquelles le mathématicien suspend la chaîne de ses raisonnements, le sage ne laissera plus subsister en son esprit que l’Un perpétuellement identique à soi-même dans la transparente pureté de son essence.

Et maintenant, allez vous glorifier d’une généalogie où vous étalerez vos vingt-cinq ancêtres, à commencer par Hercule, fils d’Amphytrion : le sage platonicien ne verra là que des chiffres tout à fait mesquins. Dix mille arpents de propriétés, pour vous, c’est une chose prodigieuse ; ce n’est rien pour lui qui s’est habitué à embrasser d’un regard la terre tout entière. Et au format près du troupeau qu’ils font paître, tyrans et rois se rangent à ses yeux dans la race et dans la classe des bouviers.

Qu’importe tout cet étalage de vanités quand on a su fuir d’ici-bas, fuite dont Platon dit qu’elle est ressemblance à Dieu, pratique de la justice et de la sainteté dans la clarté de l’esprit, expressions textuellement empruntées au Dialogue du Théétète, qui s’offre à nous, comme le prélude à l’Imita-