Page:Brunot - La Réforme de l’orthographe, 1905.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
– 8 –

croyance au dogme qu’on ne raisonne pas, à la soumission sans contrôle et sans critique. C’est d’un autre côté, n’est-ce pas, Monsieur le Ministre, que l’École républicaine entend conduire les esprits.

Ceux mêmes qui sont hostiles aux conclusions de votre Commission, comme M. Aulard, s’accordent avec nous sur ce principe, qu’à tout prix il faut délivrer l’école, que les millions si intelligemment sacrifiés par la République pour la formation de l’esprit populaire sont perdus en partie, tant que, sur les trop courtes années passées à l’école, tant d’heures sont si inutilement dépensées, tant que, suivant le mot de G. Paris, elles servent à initier l’enfant à « des mystères sans autre valeur que le respect superstitieux dont on les entoure ».

Comment donc délivrer l’école ? M. Aulard, dans un article de l’Aurore auquel je viens de faire allusion, propose d’ordonner que l’instituteur laissera désormais à ses élèves la liberté d’écrire à leur guise, que la faute d’orthographe sera supprimée dans les classes et les examens.

D’autres seraient moins radicaux, et voudraient seulement diminuer le coefficient de l’orthographe dans les diverses épreuves, de façon à engager peu à peu l’instituteur et l’élève à y prêter moins d’attention. De la sorte, croient-ils, après une période plus ou moins longue, une génération nouvelle ayant cessé d’apprendre l’orthographe, celle-ci tomberait en désuétude, les simplifications se feraient d’elles-mêmes, et les dictionnaires n’auraient bientôt plus qu’à enregistrer un usage devenu spontanément plus rationnel.