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entendre, demandez à vos directeurs, à vos inspecteurs : le cri sera unanime. L’orthographe est le fléau de l’École. Tous les congrès l’ot dit et le répètent. Néanmoins, j’ai voulu avoir tout récemment encore une impression directe. J’ai prié un inspecteur primaire de réunir en conférence les instituteurs et institutrices de sa circonscription. Je voulais avoir devant moi le personnel entier, non seulement les jeunes, probablement déjà ouverts à des idées de changement, mais les anciens, plus enclins à rester fidèles aux préjugés, les femmes, d’ordinaire timides, et respectueuses du passé.

Or, pas une voix ne s’est élevée pour défendre l’état de choses actuel, alors que toutes les mains, d’un même élan, votaient l’adoption d’une réforme radicale, systématique, de l’orthographe officielle.

C’est qu’en effet là, devant les maîtres qui enseignent, il n’y avait point de place pour les sophismes. Quand je parlais de l’effort fait par les inspecteurs et les conférences pédagogiques pour établir un emploi du temps où les heures données spécialement à la dictée et à l’enseignement orthographique fussent réduites, vaine apparence, me criait-on de toutes parts, puisque dans chaque devoir écrit, chaque rédaction d’histoire ou de morale, chaque problème, partout, le maître est obligé de relever les fautes graphiques, d’enseigner à les éviter, de mêler ainsi et pendant une bonne partie du temps la correction de la forme à la correction du fond. Et en vain prétend-on que l’instituteur peut s’en abstenir. Comment s’y résoudrait-il, quand son propre avancement serait compromis par des échecs trop nombreux de ses élèves.