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ignorons si les écoles établies à une date donnée ici ou là, et dont on trouve la trace dans les Archives, se sont continuées régulièrement et si elles ont été très fréquentées[1]. Brunetière a dit excellemment : « Il y avait des fondations, mais on les détournait trop souvent de leur usage ; il y avait des maîtres d’école, mais leur ignorance était grande ; il y avait des surveillans naturels des écoles de campagne, mais ces surveillans ressemblaient à beaucoup de surveillans qui surveillent leurs intérêts d’abord et le reste ensuite, ou jamais[2]. »

On comprend le cri d’un contemporain : « En chasque paroisse il n’y a point la centiesme partie des persônes qui escrivent et scachent escrire[3]. » M. Fosseyeux a bien montré comment, sous l’influence de Vincent-de-Paul et grâce à l’action cachée mais réelle de la Cie du St-Sacrement, les écoles se multiplièrent. Le progrès continua constant, quoique lent, jusqu’à la Révocation de l’Édit de Nantes.

Caractère religieux des écoles. — Peu de temps après cet événement, malgré des embarras de toutes sortes, l’attention donnée aux écoles augmenta singulièrement, il faut comprendre pourquoi : « Les Maîtres, Maîtresses d’Ecoles et Permissionnaires se souviendront », dit un statut, « que leur obligation principale, consiste à apprendre aux enfans dont ils sont chargez, les principaux Mysteres de la Foi, à leur expliquer les Commandemens de Dieu, et de l’Eglise, les Sacremens, et les autres veritez de la Religion. » Ce texte, emprunté aux Anciens Statuts des petites écoles imprimés en 1725, résume très exactement le programme du XVIIe siècle[4].

  1. Il est certain par exemple qu’à l’époque des guerres de religion une quantité d’écoles furent désertées (Voir le Bull. de la Soc. arch., hist. et scient. de Soissons, t. XVII, 2e série, p. 132).
  2. Revue des Deux Mondes, oct. 1879, p. 943.
  3. Le Gaygnard, Apranmolire, 166. — Les registres de mariage et de baptême sont une source précieuse de renseignements, sous cette réserve toutefois qu’on a pu choisir les témoins précisément parce qu’ils savaient écrire. Quelques statistiques, trop peu nombreuses, ont été publiées. D’une qui concerne la Somme, j’extrais ce qui suit : De 1686 à 1690, il y a eu à :
    Proyart 12 mariages. Ont signé 8 hommes, 1 femme
    Rony le Petit 4 mar. néant 2 hom., néant
    Vauvilliers 2 mar. 1 hom., "
    Voyennes 12 mar. 5 hom., "
  4. Mus. péd., n° 35655, p. 14. On pourrait citer cent textes analogues. Le chantre de Notre-Dame (qui a le gouvernement des écoles), Cl. Joly, rappelle à ses subordonnés qu’ils sont commis, non seulement pour enseigner aux enfants à lire, à écrire, l’arithmétique, le calcul, le service, la grammaire, mais encore pour leur enseigner le catéchisme et l’instruction de la doctrine chrétienne. Au reste, il n’y a qu’à consulter le titre même de l’École paroissiale, ce manuel des Maîtres : L’ouvrage est