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a-t-il pas là quelque dépit ? Assurément des gens du métier avaient pu être opposés à des écritures qui dérangeaient la main, obligeaient à mettre sur l’i un point, sur l’é un accent, au lieu « d’écrire tout d’une tire ». D’autre part, écrivains publics, appelés à coucher sur le papier des pièces destinées aux tribunaux, il était tout naturel qu’ils se laissassent influencer par les habitudes de la chancellerie et du greffe, et par l’orthographe très archaïque en usage dans les milieux judiciaires.

Mais on voit par le traité de de Blégny que certains maîtres écrivains, comme les autres maîtres des écoles sont, autour de 1690, gagnés à la cause d’une simplification progressive. Son Traité d’orthographe, dont j’ai parlé plus haut, était très résolument conservateur. « Ceux qui ont écrit estret, j’aimès, n’ont point fait de secte, dit-il, et ont été abandonnez de toutes les personnes raisonnables ». Et c’était là une allusion très directe aux « folies » de L’Esclache. Au contraire dans ses Eléments (Règles de l’Ort., 15), il signale le même changement sans aucune réprobation, il estime même que des corrections rendraient l’orthographe aisée, et qu’elles lui ôteraient cette « désagréable marque de dépendance des langues étrangéres » (15-17).

Au reste, déjà dans le Traité, il accepte j consonne, différent de i voyelle, et aussi v, au commencement des mots : voir, vrai. Il tolérerait le remplacement de y par i à la fin des mots : j’aimerai, aussi ; il marque l’accent grave sur à : il ira à Paris. Il supprime s, dans étude. Il simplifie des doubles voyelles ou consonnes : âge, abé. Il préfère même filosofie à philosophie, et écrit orthografe.

Dans ses Éléments, il devient assez hardi, surtout sur le chapitre des diphtongues. Il se conforme à l’usage des « personnes connuës pour bien ortografier, qui retranchent sans aucune alteration ni sans causer d’équivoques les lettres des mots où elles leur paroissent superfluës, et où il semble que les Anciens ne les ont emploïées que pour écrire comme ils prononçoient, ou afin de marquer une étimologie Grecque ou Latine, à laquelle peu de gens s’arrêtent à present ». J’ai rapporté, ajoute-t-il, « en quelques endrois de ce Traité, le sentiment de quelques personnes qui voudroient qu’on se servît des Lettres suivant leurs sons naturels, qu’on rejetât les diftongues de tous les mots où une seule voïelle pouroit sufire, et qu’enfin on écrivît les sillables (sic) et les mots, ainsi qu’on les prononce, en les prononçant de la bonne manière » (Avis.)

Les maîtres pour étrangers. — Les étrangers, en général, étaient tout acquis à une simplification, surtout dans les Pays-Bas, comme