Page:Brunot - Histoire de la langue française, des origines à 1900 — Tome 4, Première partie, 1939.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus commune, que d’en choisir une qui ne fut pas approuvée par l’usage ordinaire à cause du danger qu’il y auroit de jetter quelque confusion dans leur esprit, si on leur enseignoit dans la pratique une Ortographe différente de celle qu’ils remarquent dans les livres François les plus corrects, qu’ils ont continuellement entre les mains. L’on fera voir néanmoins en quoi consiste toute la nouvelle Ortographe, quand on parlera des accens ».

La question vient à la page 265. On y enseigne de retrancher « le plus qu’on peut les lettres qu’on ne prononce point, particulièrement les s », et de les remplacer par un accent aigu sur les voyelles brèves (étendre, aporter), par un circonflexe sur les longues (nous parlâmes, être). Et l’auteur va plus loin, il ajoute « Il est constant qu’il seroit fort commode de retrancher ainsi toutes les lettres inutiles, que l’on ne prononce pas dans les mots ou même aussi d’écrire comme l’on parle, et assûrément l’Orthographe Françoise en deviendroit beaucoup plus facile, si elle étoit conforme à la parole ». Si on n’enseigne pas à des enfans ces nouveautés, c’est qu’on attend que « les Maîtres de nôtre Langue aient mis en lumiere un nouveau Dictionnaire, qui soit universellement suivi, et approuvé par l’autorité publique ». (cf. p. 300).

Demia, lui aussi, le grand réformateur des écoles lyonnaises, prescrivait au maître de garder « un milieu entre l’ancienne Ortographe, et celle de quelques Modernes, qui défigurent la Langue ». Il n’était pas du tout d’avis qu’on conservât pieusement les vieux usages. L’on ôtera, dit-il, « les lettres qui ne se prononcent point, et qui ne rendent pas les mots méconnoissables, comme le p dans Bapteme et Ptisane, l’s qui se trouve après un é clair, au lieu de laquelle on met un accent au dessus de l’é, comme dédain ». Il remplace aussi l’s par un circonflexe, dans apôtre, jeûne, supprime les lettres doubles et inutiles comme l’f d’affaire, change y en i simple, etc. (Réglemens pour les écoles… de Lyon, André Olyer, p. 24).

Les maîtres écrivains. — J’avais cru longtemps, sur la foi de leurs adversaires trouver chez les maîtres écrivains une opposition obstinée. Il est vraisemblable en effet qu’ils étaient attachés à ce qui dans l’écriture faisait queue et paraphe, les y, les z. L’Esclache fait encore allusion à cette passion (p. 14), Rodilard aussi[1]. Mais n’y

  1. « Ceus qui écrivent metent toutes ces sortes de mots avec un z (hontez), parce qu’ils font l’e et le z tout d’une tire, au lieu que s’ils metoient un e et une s ensuite, il faudroit metre un accent sur l’é, et cela leur fairoit perdre du tèms, ce qui fait qu’ils font l’é et le z tout ènsèmble » (p. 29 ; cf. 49-50). De nos jours, le docteur Javal Lévy, si passionnément épris de la réforme de l’orthographe, était pour la même raison hostile à la substitution de ète à ette.