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CHAPITRE IX

DÉSIR GÉNÉRAL DE RÉFORME CHEZ LES MAITRES


En France. — Il serait faux d’affirmer que les maîtres avaient un programme de réforme. Praticiens, ils devaient se conformer à la pratique, et enseigner l’orthographe usuelle. Mais presque tous nous ont marqué qu’ils n’en étaient pas satisfaits.

Quelques-uns, comme Le Loyeur, auraient volontiers demandé qu’on acceptât plusieurs façons d’écrire[1]. J’en dirai autant de d’Argent, qui, sans sourciller, pose en principe qu’il y a deux orthographes, l’une ordinaire, qui compose un mot de toutes les lettres qu’on prononce, l’autre « extraordinaire » qui « écrit beaucoup plus de lettres qu’on n’en prononce »[2]. Mais, en général, on comprend qu’il est d’intérêt public d’avoir une orthographe unique et commune, et on la souhaiterait plus facile, c’est à dire plus proche de la prononciation.

Jean Macé, en religion, P. Léon de Saint-Jean[3], proteste fort

  1. Alphabet contenant les mots qui ont en une mesme prononciation diverse signification. Paris, Jean Promé, 1661, p. 133. Il accepte cognoistre, congnoistre et connoistre, besoigne et besogne, ceulæx, ceux, ceus, benoît, benoict, benoist, et « un million d’autres, qui se peuvent orthographier en deux ou trois façons, toutes bonnes et fondées sur quelque raison. Les repreneurs se trompent, s’ils « estiment qu’il n’y ait qu’une orthographe pour chaque diction, comme s’il n’y avoit qu’un seul chemin pour aller en un seul lieu, comme si l’on ne pouvait cuisiner des œufs que d’une manière…, les autheurs approuvez n’orthographient pas tous l’un comme l’autre ».
  2. Voir d’Argent, Traité de l’Ortografe françoise dans sa perfection, dédié à M. Colbert fils, Sgr. de Seignelay. Paris, Florentin Lambert, 1666, in-12o (B. N., X, 1274). — L’auteur fait allusion à une Grammaire françoise, écrite par lui en 1642, qui serait tombée dans le commun, et il signe : Dargent, grammairien. Je n’ai trouvé aucune trace de ses ouvrages.
  3. Il publia d’abord sous le nom de Du Tertre, une Methode universelle pour apprandre facilemant les Langues, Paris, 1650 (Bibl. de l’Univ., L. P. f. 23). Je cite une édition de 1652, c’est la troisième. Puis, sous le nom de Noel François, il fit paroître La politesse de la langue françoise pour parler puremant et écrire nettemant, 1656, in-12. L’ouvrage a été souvent réimprimé par la suite (Cf. Thurot, Pron. fr., I, LIX). J’ignore pourquoi Didot a déclaré la Methode dépourvue de tout intérêt. Il a dû faire confusion.