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enfants et des familles les maîtres écrivains en particulier grossissaient ainsi leur importance et leur situation. Mais l’inverse me paraît au moins aussi probable. Savoir écrire était un signe concret d’éducation ; c’était aussi un moyen de faire et d’assurer sa vie. Une bonne orthographe était le complément d’une belle écriture. En possédant l’une et l’autre, on était certain de trouver un emploi dans le commerce, certaines familles l’avaient compris. Dès 1609, Le Gaygnard parle de pères et de mères qui n’ayant pas « de moyens d’entretenir leurs enfants aux estudes des artz et sciences libérales, veulent au moins qu’ils scachent l’orthographe » (Aprenmolire, 165). Et d’autres textes font allusion à des enfants qui ne peuvent passer par les études latines avant d’être mis aux métiers, et cherchent une instruction pratique (Traitté hist. des Écoles, 322). Les former à ces connaissances réelles et rétribuées était un moyen d’assurer le succès d’une école. De là l’âpreté avec laquelle on s’en dispute le droit. De là aussi le succès de concours tels que celui dont on a vu le programme. C’est en bas, dans les classes pauvres, chez les commis de boutique qu’on a commencé à s’attacher à l’orthographe, pour le profit qu’elle assurait. On eût d’ailleurs bien voulu qu’elle fût plus simple.