Page:Brunot - Histoire de la langue française, des origines à 1900 — Tome 4, Première partie, 1939.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Seulement c’est là ce que nous appellerions un Cours supérieur, et il est seul de son espèce. En général, les manuels étaient loin d’avoir cette valeur. C’étaient de petits livrets, fort secs, où se trouvaient réunis méthode de lecture, d’écriture, éléments de grammaire, d’arithmétique, prières et instruction chrétienne[1]. À partir de 1650, ils se multiplient. La part qui y est faite à l’orthographe grandit et devient assez importante. Il n’est pas rare que l’exposé des règles essentielles soit suivi d’un petit recueil d’homonymes, qui souvent même étouffe le reste, pour lequel on s’en fie à la pratique[2].

Un des manuels en usage chez les maîtres écrivains a eu de nombreuses éditions, c’est celui qu’a donné de Blégny. Reçu maître en 1667, il paie sa dette par un traité d’orthographe[3] : « Si le caractère est le corps de l’écriture, l’orthografe en est l’âme », dit-il (Au Lecteur), et il embrasse toute la matière, orthographe de règles comprise. Mais il a donné plus tard un livre d’ensemble : Les Elemens ou premieres instructions de la Jeunesse. Paris, 1691.


    On peut lire dans l’épître des mots qui étonnent et indiquent une méthode toute particulière, bien éloignée de celle qu’on suivait alors : « Vous avez ordonné que les Maîtres de vôtre Ecole suivroient vôtre Méthode, qui est raisonnée et sensible tout ensemble. Et parce que vous voulez que la mémoire soit réglée par le jugement, et soutenuë par l’imagination, vous donnez des Maîtres, qui en suivant la méthode de Socrate, sçavent adroitement les interroger, pour en tirer des réponses conformes aux demandes qu’on leur fait ».

  1. L’école d’Irson avait les siens, qui avaient été composés par le fondateur : Le Grand Alphabet François non encore veu… pour apprendre à bien lire, prononcer, écrire et Orthographer. Paris, 1657, chez M. Santeul, rue Bourg-l’Abbé, à l’Ecole de Charité de St Leu, St Gilles ; Le Grand Alphabet ov la Grande Croix de Par-Diev. À Paris, chez M. Santevl…, où le livre se distribuë, Aux Pauvres pour rien ; Aux Riches à prix honneste et raisonnable (Ste Genev., Rés., X, 354). Cf. Seconde partie de l’alphabet roial Où êt traité de l’ortografe, de la prononciation, des letres superfluës, et suprimées, pour bien parler Françès ; Dont se seruent aujour-dui les meilleurs Auteurs. Paris, J. de la Caille, 1657 (Ste Genev., X, 353, in-8o). Voici ce qu’en dit Irson : « Le Livre que vous avez fait de l’Orthographe a esté tellement estimé, qu’il a esté receu avec applaudissement jusques dans les Villes étrangeres. Cét Ouvrage ne pourra paroître petit qu’à ceux qui n’en sçavent pas l’importance… Pour sçavoir comme vous avez rendu intelligibles les Principes de la Lecture, de l’Orthographe, de l’Ecriture, et enfin de toutes les Beautez de nôtre Langue, il ne faut qu’entrer dans l’Ecole que vôtre Charité a fondée tres-avantageusement pour les Pauvres, où vn grand nombre d’Enfans, qui y viennent pour estre enseignez gratuitement, n’en sortent (pour ainsi dire) que Philosophes. Vous avez fait voir par expérience, qu’il y avoit vne Philosophie propre aux Enfans ; … vous faites de ces Enfans des Personnes vtiles au Public dans toute sorte d’emplois et de conditions de la vie civile (Epistre a iij).
  2. À Ste Geneviève (Rés. X, 355), on a conservé un Alphabet contenant les mots qui ont en vne même prononciation diverse signification. Paris, Jean Promé, 1661. C’est un vrai petit dictionnaire d’homonymes.
  3. L’ortographe françoise ou l’unique metode contenant les Regles qu’il est necessaire de sauoir pour écrire correctement. Paris, Gilles André, 1667, in-12o (B. N., X, 1302). L’ouvrage est adressé au syndic, doyen et maîtres experts et jurés écrivains. — La préface leur demande d’en conseiller la lecture à la jeunesse. Il y a des éditions pendant cinquante ans.