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elle, La suivent en dansant (Montfl., Com. Po., act. I, sc. 3)¹. Pour être fixé, on ne consultera pas La Fontaine. Le titre de la quinzième fable du livre VII est : Les Devineresses. Au vers 13, on lit Devineuse, et au vers 33, devine.

LE SUFFIXE TRICE. — Le suffixe dont le succès s’affirme peu à peu, c’est le suffixe savant trice (cf. t. III, 279). Sans doute, il ne fait que des progrès lents, cependant il en fait. Bouhours n’est pas plus favorable à ces féminins en trice que ses devanciers, et dans une remarque dirigée contre Balzac, après s’en être pris à insidiateur, il ajoute « quand nous dirions insidiateur, il ne s’ensuivroit pas qu’on pût dire, insidiatrice, non plus qu’exterminatrice, tentatrice, dominatrice, dispensatrice, dont quelques Ecrivains se servent. On ne fait pas de ces feminins-là autant qu’on veut et il n’est permis d’employer que ceux que l’usage a autorisez, tels que sont actrice, ambassadrice, coadjutrice, fondatrice, et quelques autres (Rem., 116).

Mais Bérain enregistre débitrice (Nouv. Rem., 27) ; Alemand, accusatrice, qu’on emploie depuis longtemps au Palais, et qui a été naturalisé par Racine dans Phèdre. Richelet, dit-il, a eu raison de le mettre dans son Dictionnaire. A cette occasion l’auteur rappelle qu’on a déjà : bienfactrice, actrice, consolatrice, tutrice (Guer. civ., 43-44). Toutefois la longueur même de son plaidoyer montre ce que le mot accusatrice avait encore de surprenant pour l’oreille française.

En somme on naturalise ces nouveaux féminins un à un. Marg. Buffet est pour inventrice, contre inventeuse (N. O., 42) Andry, pour introductrice (Refl., 271-272). Nulle part on ne trouve encore cette formation considérée comme une formation normale, dont l’analogie devrait s’étendre aux mots en eur².

Le dépouillement des textes donne des résultats analogues. En dehors de ceux que j’ai déjà cités antérieurement, je donnerai ici quelques exemples : Auditrice des Comptes (Bours., Com. s. tit., act. I, se. 3) ; communicatrice (Boss., Rel. s. le quiét., II, 8, dans H. D. T.). Richelet dit : « Je n’ai trouvé le mot que dans Seconde partie des poësies de Godeau (Egl., IV), et on croit que ce mot ne

1. Il est intéressant de constater que le féminin agit sur le choix de la forme line, quand il s’agit de distinguer entre eur et eux. comme cela était si souvent mascu nécessaire. Aux féminins en euse correspondent, suivant Hindret, des masculins en eux un pescheux de poisson, mais à pécheresse correspond pécheur. On ne dit point amateux, imposteux, parce que ces mots n’ont point de féminins. Toutefois, après avoir essayé de bâtir de fragiles distinctions entre chasseur et chasseux, Hindret convient que la forme en eur quelque chose de plus fort et de plus sérieux (L’art de b. prononcer, 229-233).

2. Voici, par curiosité, la liste des féminins en trice donnée dans le Guidon de Duez ambassadrice, electrice, imperatrice, dominatrice, protectrice, curatrice, tutrice, inventrice, destructrice (118).