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majeurs et les arts mineurs étaient séparés, les arts mineurs, dépourvus d’inspiration, devenaient bientôt nécessairement mécaniques et inintéressants ; j’aurais pu ajouter qu’en ces mêmes pays les arts majeurs, dépourvus de toute idée de décoration et d’utilité, sont condamnés forcément à devenir impopulaires, à ne représenter que les aspirations et les tendances de quelques artistes isolés, et non, comme l’art l’a toujours fait aux grandes époques, les goûts, les tendances et les aspirations de la nation tout entière.

Cette utilité, cette nécessité de l’union des arts majeurs et mineurs — sur laquelle j’insiste tant parce que je la voudrais voir exister en Belgique — a été proclamée sans cesse, en Angleterre, par M. William Morris, dans ces conférences auxquelles je faisais allusion tantôt. Et je ne veux pas terminer cette étude sans citer aussi l’avis d’un autre homme, dont la science est universellement admirée pour toutes les matières qui concernent l’architecture et l’enseignement de l’art. Voici ce que disait M. John Ruskin, dans une conférence donnée à Bradford, en 1859[1], sur « la fabrication moderne et le dessin » :

« Nous ne comprenons ni le but, ni la dignité du dessin décoratif. Malgré toutes nos conversations sur ce sujet, le vrai sens du mot « art décoratif » reste confus et indécis. Je voudrais, si possible, en finir avec cette question, et vous montrer que les principes d’après lesquels vous devez travailler seront toujours faux aussi longtemps qu’ils resteront étroits, et vrais seulement, s’ils sont fondés sur la perception de l’enchaînement de toutes les branches d’art entre elles.

  1. J’appelle l’attention du lecteur sur cette date de 1859 qui explique comment M. Ruskin parlait alors de l’incompréhension de l’art décoratif en Angleterre ; une preuve de plus que cet art, qui n’existait pas alors, a été inventé et créé par les artistes dont j’ai parlé.
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