Page:Bruno Destrée - Les Préraphaélites, 1894.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


TROIS OMBRES


Je regardai et vis vos yeux
dans l’ombre de vos cheveux,
comme un voyageur qui voit le cours d’eau
à l’ombre de la forêt.
Et je dis : « Mon faible cœur aspire
hélas ! à languir ici,
à boire éperdument et à rêver
en cette douce solitude. »

Je regardai et vis votre cœur
dans l’ombre de vos yeux,
comme un chercheur voit l’or
dans l’ombre de la rivière.
Et je dis : « Hélas, quel art
gagnerait le prix immortel
sans lequel la vie doit être froide
et le ciel un rêve creux. »

Je regardai et vis votre amour
dans l’ombre de votre cœur,
comme un plongeur voit la perle
dans l’ombre de la mer.
Et je murmurai, —
d’un souffle, et à part moi :
« Ah ! vous pouvez aimer, fille sincère,
mais votre amour est-il pour moi ? »

53