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livre des Peintres modernes, intitulé « Art moderne et moderne critique », Ruskin, qui bientôt s’établit leur défenseur, nous le dit en quelques mots. « L’école a tort, dit-il, de s’appeler préraphaélite ; parce que les principes d’après lesquels ses membres travaillent ne sont ni post ni préraphaélites, mais éternels. Ils s’efforcent en effet de peindre avec le plus parfait degré d’achèvement possible ce qu’ils voient en la nature, sans égard à des règles établies par une convention, et sans vouloir imiter en aucune façon le style d’aucune époque passée. » Et il ajoutait en bon critique et en bon prophète : « Leurs œuvres sont pour le fini du dessin et la splendeur de la couleur les meilleures de la Royal Academy, et j’ai grand espoir qu’elles pourront devenir le fondement d’une école d’art plus appliquée et plus capable que toutes celles que nous avons eues depuis des siècles. »

Si l’on veut bien ne pas prendre trop à la lettre les mots « sans égard aux règles et aux conventions établies » et les entendre en ce sens que les préraphaélites se refusaient à admettre les règles et conventions établies par les peintres qui les avaient immédiatement précédés et entendre aussi la phrase suivante, « sans vouloir imiter en aucune façon le style d’aucune époque passée », en ce sens que les préraphaélites se refusaient à copier ou à tenter de faire revivre aucune époque d’art, — en quoi ils avaient mille fois raison, — on verra que leur programme était en 1848, époque où la Confrérie préraphaélite fut fondée, neuf et utile en ce sens que l’observation et l’étude consciencieuse de la nature était absolument négligée alors, tant en Angleterre que dans les autres pays. Maintenant, pour bien faire comprendre que cet apparent naturalisme s’écarte essentiellement de ce qu’on a baptisé du même nom en France et chez nous, pour montrer que ce naturalisme ne pouvait s’appliquer qu’à ce que l’on rencontre de beau, d’élevé, de grand et de touchant dans la nature, il nous suffira d’esquisser en quelques mots la person-

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