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tant de femmes qui ont écrit l’ont-elles fait impunément ? je veux dire sans devenir des modèles poux les femmes, ou même pour les hommes qui les ont suivies, et sans inoculer de la sorte à l’esprit français, avec les qualités, quelques-uns aussi des défauts de leur sexe ? Celles même qui n’ont pas écrit, dont il ne demeure qu’un nom, ou tout au plus quelques débris de correspondance, qui cependant n’ont pas moins été vantées pour leur esprit ou pour leur grâce, et dont le pouvoir ne fut pas moins réel, comment l’ont-t-elles exercé, au profit ou au dommage de qui ? C’est ce que l’on se demande en parcourant ce Choix de lettres de femmes célèbres et ce Recueil de morceaux choisis, où M. Jacquinet et « un professeur de l’Université », par une innovation galante, et heureuse autant que galante, n’ont voulu faire figurer que des femmes. C’est à cette question que devrait répondre, que répondrait le livre de M. Henri Carton sur les Femmes écrivains de la France, s’il ne manquait absolument aux promesses de son titre. Et c’est, à notre tour, ce que nous voudrions aujourd’hui rechercher.

A la vérité, ce sujet, pour être traité selon son étendue naturelle, demanderait un livre, tout un livre, ou davantage, n’étant rien de moins que l’histoire elle-même de la littérature française prise d’un certain biais et vue dans une certaine perspective. Si l’on ne connaît point, en effet, de ruelles ou de salons contemporains des croisades, et si la cour de