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250 QUESTIONS DE CRITIQUE ce qui équivaudrait à cette énormité, qu’au lieu d’approfondir pendant un demi-siècle ces problèmes de l’histoire naturelle générale, Darwin, dans sa petite maison de Down, eut tourné des ronds de serviette, il serait tout de même Darwin. Mais, si Ton ne peut pas le dire, que signifie alors cette affectation de dilettantisme? Car à quoi répond- elle? et ne faut-il pas convenir qu’il y a dans les œuvres autre chose que leur auteur? un sujet ou une matière en même temps qu’un « homme »? et quelque chose de plus et de plus grand que cet homme, qui le contient lui-même, l’enveloppe, le dépasse, qui exis- tait avanl lui, qui continuera d’exister après lui et qui, conséquemment, ne dépend pas de lui? ^ Et c’est pourquoi, dans la critique enfin, nous pou- vons bien laisser plus ou moins paraître notre humeur et nos goûts, mais c’est assurément un tort, et la cri- tique n’a pas été inventée pour cela. Si l’on n’avait pas à faire avec la férocité naturelle des amours- propres d’auteurs, et, du moment que l’on court le risque de déplaire vivement à un galant homme, — car on peut être un fort galant homme et un très mé- chant auteur, — s’il n’était pas loyal de répondre de ^os écrits, l’idéal de la critique serait d’être anonyme. Au moins doit-elle s’efforcer d’être impersonnelle, et, dansses jugements, ne pas plusse soucier des per- sonnes, cela va sans di:e, que de ses propres goûts, mais uniquement de la valeur d’exécution des œuvres, de leur signification, et de leur importance dans l’his-