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LA LITTÉRATURE PERSONNELLE 249 un écrivain, c’est lui-même, l’homme qu’il s’y ré- vèle, et, bien plus que les choses qu’il dit, la manière dont, en les disant, il se livre à nous sans y prendre garde. Mais on ne peut guère dire que ce que nous aimons dans Vlliade ce soit Homère, puisqu’il se pourrait qu’il n’eût pas existé, ni que ce que noue préférons dans Macbeth ou dans Othello ce soit Shaks- peare, puisque 1 on veut maintenant qu’il s’appelle Bacon. Et quand, au lieu d’Homère ou de Shakspeare, c’est de nos contemporains qu’il s’agit, le paradoxe n’en est plus un, mais plutôt et de son vrai nom une espèce d’imperlinence. On ne peut pas dire décemment, quand on vient de lire les Origines du christianisme ou rHistoire du peuple d’Israël, que l’on n’y ait pris d’intérêt qu’à la personne et au talent de M. Renan : car ce serait dire, que ce qu’il a lui-même étudié quarante ans pour nous l’apprendre, nous le savions, ou nous nous en doutions, ou n’en avons que faire, ce qui revient d’ailleurs absolument au même. On ne peut pas dire décemment, quand on vient de lire les Ori- gines de la France comtemporaine, que l’on n’y ait pris d’intérêt qu’au seul M. Taine : car ce serait dire qu’il nous importe peu comment on doit penser d’une révolution au milieu de laquelle nous continuons de vivre, in qua vivimus, movemur et sumus. J’aime- rais autant que l’on dît, quand on vient de lire VOri- gine des espèces ou la Descendance de Vhomme^ que l’on n’y a pris d’intérêt qu’à Charles Darwin :