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248 QUESTIONS DE CRITIQUE ,dans Werther y dans Adolphe^ dans René des œuvres d'une valeur singulière, nous leurs préférerons tou- jours, pour noire part, des œuvres comme Eugénie Grandet, le Père Goriot ou Adam Bede, qui n'ont pas besoin, pour être comprises, de tout un com- mentaire historique, psychologique et biographique, qui sont entièrement et absolument détachées de leurs auteurs, et qui vivent ainsi d'une vie supérieure, parce qu'elle est plus indépendante. Je sais le plaisir que l'on trouve en ces sortes de recherches. Qu'y a-t- il de vrai dans le récit de Goethe ou de Chateau- briand? Qu'y ont-ils mis d'eux-mêmes? Charlotte a-t-elle existé? Quel était le vrai nom d'Ellénore? Mais, d'une manière très générale, si l'objet du roman est la représentation de la réalité, il faut avouer qu'il approche d'autant plus de la perfection de son genre que cette réalité se prouve en quelque sorte d'elle-même, par la fidélité de son imitation, et n'a pas besoin, pour que nous l'acceptions comme telle, de témoins qui nous la garantissent. A plus forte raison, et quoi que l'on puisse dire des contradictions des historiens entre eux, l'his- toire a-t-elle pour objet la recherche de la vérité des faits et des raisons des faits, la reconstitulion de ce qui n'est plus, et non pas l'expression de la personnalité de l'historien. Tous les beaux raisonne- ments que Ton a voulu faire là contre tombent d'eux- mêmes en s'appliquant. On peut bien soutenir, en effet, théoriquement, que ce que nous aimons dans