Page:Brunetière - Questions de critique, 1897.djvu/248

Cette page n’a pas encore été corrigée

238 QUESTIONS DE CRITIQUE quement, comme disait Molière, graphice depictits, avec ses facultés et leurs sous-facultés, et les sub- divisions de ces sous-facultés. Mais ce que nous igno- rons, c’est l’homme particulier, c’est l’individu, et nous ne le connaîtrons jamais que par lui-même. Chantez donc vos amours, ô poètes, et racontez-nous vos aventures, ô romanciers ! Mettez votre personne dans vos œuvres, et avec votre personne votre concep- tion de la vie, non pas celle que vous avez reçue de la tradition ou empruntée des modèles, mais celle que vous vous êtes faite à vous-même, ou plutôt encore celle que Texpérience vous a imposée d’elle-même. Yivez, puisque l’on ne veut plus rien aujourd’hui que de vécu et qu’il n’y a plus que cela qui semble devoir vous survivre. Vous serez toujours assez intéressant si vous êtes sincère, et vous serez toujours assez sin- cère, si vous ne vous préoccupez que de l’être. Car il n’y a pas de combinaison romanesque si savamment et longuement préparée que la réalité ne vous en offre qui la surpasse; il n’y a pas d’intrigue imaginée par un dramaturge qui vaille la tragédie ou le vaudeville de la vie ; et il n’y a pas d’œuvre enfin qui vaille la simple confession d’une âme.