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LA LITTÉRATURE PERSONINELLE 231 eux-mêmes rien de commun avec leur héros. Est-ce là [jeut-être une obligation du drame? et le genre est- il de ceux où, pour y réussir, il faut commencer par s’oublier soi-même, et comme s’aliéner de sa propre personnalité? Je le crois; mais avant tout et surtout c’est leur manière d’être, telle qu’elle est, et telle aussi qu’elle leur est imposée par leur temps. Au XVII’ siècle, on écrit parce que l’on a quelque chose à dire qui intéresse, ou qui doit intéresser tout le monde, mais non pas pour intéresser tout le monde à ses affaires, et bien moins encore à soi-méme.y La littérature est impersonnelle; et ce qui est per-"^ sonnel n’est pas encore devenu littéraire. Un homme est peu de chose, et on ne s’intéresse en lui qu’à ce qu’il a de commun avec les autres hommes. La défi- nition même des classes ou des catégories sociales, du grand seigneur ou du magistrat, de l’homme de guerre ou de l’homme de lettres, du bourgeois ou du paysan, est presque indifférente; il n’est question que de types ou de caractères : le héros, l’amante, le jaloux, l’hypocrite, l’avare, la prude, le misanthrope. C’est ce qui donne à la tragédie de Racine ou à la comédie de Molière, à la fable de La Fontaine, ou aux portraits de La Bruyère, aux Pensées de Pascal ou aux Sermons de Bossuet, kur caractère d’éternité. Ajoutons que, jusque vers le milieu du xviir siècle, l’auteur de VEsprit des lois et celui de VEssai sur les mœurs appartiennent encore à cette école : ils n’écrivent pas d’eux, ni pour eux, mais pour le ptiô/i^?,