Page:Brunetière - Questions de critique, 1897.djvu/233

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA LITTÉRATURE PERSONNELLE 223 contemporains; ils pouvaient croire, ils avaient le droit de croire que leurs Mémoires ou leurs Con- fessions éclairaient, expliquaient, et complétaient leurs œuvres. Mais, l’auteur des Grains de mil ou celui des Réfractaires, mais mademoiselle Baskir- clicff ou MM. de Concourt, vraiment, quels titres avaient-ils à nous parler d’eux-mêmes? quelles explications leur demandait-on? quel besoin avions- nous de connaître leurs petites histoires? Il est un « état d’âme » ou une disposition d’es- prit que je n’ai jamais pu comprendre, pour ma part, ou seulement me représenter : c’est celle de Thomme qui écrit son Journalintime^ le soir, loin des regards curieux, et lui-même l’enferme sous une triple clef, pour ne paraître qu’après sa mort, comme s’il avait vaguement conscience, quelques raisons dont il se paie, qu’il fait une laide besogne. Eh oui ! sans doute, j’entends bien le cri de la vanité blessée, et, comme un autre, j’entends le gémissement de l’orgueil. Moi aussi, Des protégés si bas, des protecteurs si betes, j’en ai connu, comme tout le monde. Je fais d’ailleurs la part de cette émulation naturelle, qu’on peut re- procher aux gens de lettres avec quelque raison, mais qui n’en est pas moins, dans un temps comme le nôtre, dans tous les temps, l’un des ressorts au moins de leur activité d’esprit. Et je veux bien enfin que