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LA LITTÉRATURE PERSONNELLE 219 que s’ils ne tirent que d’eux-mêmes tout ce que Ton demandait jadis à la science ou à l’énulilion. Les voilà tels qu’ils sont, et ils se trouvent bien comme ils sont ! S’ils ont une opinion, elle est bonne, puisqu’il l’ont; et d’autant qu’elle diffère de l’opinion commune, d’autant plus y tiennent-ils, sans avoir besoin d’exa- miner si ce qu’ils prennent pour le signe de leur ori- ginalité ne serait pas peut-être aussi souvent en eux l’effet de l’ignorance ou de l’inexpérience. Ayant le crâne fait d’une certaine manière, pourquoi tâche- raient-ils à se le refaire d’une autre? Comme d’ailleurs leurs défauts leur sont chers, en ce qu’ils les distinguent de ceux qui ne les ont pas ou qui en ont d’autres, il suffit de les leur signaler pour qu’ils y persévèrent, et même qu’ils se fassent non seule- ment un point d’honneur, mais une habitude ou une attitude littéraire de les exagérer. Et il n’est pas jus- qu’à leurs plaisirs qui ne leur deviennent enfin une obligation professionnelle, puisque aussi bien leurs sensations sont la matière de leurs œuvres, et qu’on ne leur demande qu’à se laisser vivre, ou plutôt encore qu’à se procurer des sensations qu’ils notent, pour l’instruction de ceux que l’insuffisance de leurs moyens, ou les occupations de la vie quotidienne, ou les devoirs dont ils sont tenus empêchent de se les procurer. Nous peinons pour eux, et il jouissent pour nous. Quant à ceux qui les jugent, ils trouvent, eux aussi, dans le livre qu’ils jugent, tout ce qu’il faut pour le