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LA LITTÉRATURE PERSONNELLE 217 tiiiction que d’avoir la gravelle, et tout le monde est- il apoplectique? « El ce sera bien fait, disent les critiques, puisque enfin nous ne savons rien, si ce n’est que nous ne savons rien, ou, si Ton aime mieux, puisque le monde n’est qu’une apparence, la réalité qu’une ombre, et la vie que l’illusion suprême. Il n’y a rien : « quelque terme où nous pensions nous attacher, il » branle, et nous quitte, et nous fuit d’une fuite » éternelle » ; la vérité n’est qu’un mot; la justice n’est qu’un leurre ; la beauté surtout n’est qu’un fan- tôme. Chacun de nous fait à son tour, au même titre, avec les mêmes droits, l’autorité de ce qu’il dit et la vraisemblance de ce qu’il imagine ; il fait la beauté de ce qu’il admire ou de ce qu’il aime. L’in- dividu n’est pas seulement à soi-même son tout, il est un univers et un monde en soi. » A quoi donc voulez-vous que nous nous intéressions dans une œuvre? Ce ne sera pas au fond, nous n’en avons que faire, puisqu’il n’y a pas une conception de la vie à laquelle nous ne puissions en opposer une autre, — qui la vaut, — ni seulement une idée dont l’expression, pour être intelligible, ne doive enve- lopper l’idée contradictoire. Ce ne sera pas davantage à la composition, puisque, supposé qu’il y eût une vérité, la composition, que serait-elle, sinon l’art, en arrangeant cette vérité même, de l’altérer pour en faire une séduisante erreur ? Ce ne sera pas non plus à la forme ou au style, puisque, indépendamment