et, comme Hugo, Lamartine entendait par là qu’une divinité bienfaisante avait semé le ciel d’étoiles et la terre de fleurs pour la joie de nos yeux. Et Ruth se demandait :
Quel Dieu ! quel moissonneur de l’éternel été
Avait en s’en allant négligemment jeté
Cette faucille d’or dans le champ des étoiles !
Telle était leur manière de voir la nature. Ils la rapetissaient à la mesure de l’homme, — et d’ailleurs ils
n’ont pas laissé de la célébrer magnifiquement, — mais
ils réduisaient le système du monde au champ de
leur vision. Mieux encore que cela ! L’homme, pour
eux, avait reçu l’univers comme en fief, et les oiseaux
du ciel, comme les poissons des eaux, n’avaient en
quelque sorte été créés qu’à son usage. Mais, précisément, quand nous le voudrions, c’est ce qu’aujourd’hui
nous ne pouvons plus croire ; et c’est ce que n’a jamais
cru l’auteur des Poèmes antiques et des Poèmes, barbares. Il a compris que nous n’étions nous-mêmes,
comme les animaux, que des hôtes d’un jour à la surface de la planète, et que, dans l’échelle infinie des
êtres, si nous sommes actuellement le dernier terme
de la série, nous ne laissons pas d’en faire partie ; et de
là, dans son œuvre, les caractères de tant de descriptions qui ne s’opposent pas moins à celles de Lamartine ou d’Hugo qu’à celles mêmes de l’abbé Delille
ou de Lemercier : les Éléphants, les Hurleurs, le Sommeil du Condor, le Rêve du Jaguar, la Panthère noire,
la Chasse de l’Aigle.