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de critique ou de naturaliste. C’est à Champollion le jeune qu’il a demandé les éléments de l’idée qu’il s’est formée de l’Égypte ; et si l’ignorance de la langue ne lui a pas permis de lire le Baghavata-pourana ou le Lalita-Vistara dans le texte, il n’a du moins parlé de l’Inde et du bouddhisme que sur le témoignage des Lassen et des Burnouf. En d’autres termes encore, il n’a pas vu dans la légende ou dans l’histoire un prétexte personnel à beaux vers, mais il a consacré ses vers à l’expression des vérités acquises de l’histoire et de la légende. Son attitude intellectuelle a été celle non seulement de l’érudit, mais à vrai dire celle du zoologiste ou du botaniste en présence de l’espèce qu’ils étudiaient ; et d’une manière vraiment nouvelle, vraiment conforme à son ambition, c’est ainsi qu’il a réalisé d’abord l’alliance ou l’union de la science et de la poésie.

C’est pourquoi, si sa conception de l’histoire diffère essentiellement de celle de nos romantiques, sa conception de la nature n’en diffère pas moins profondément. La leur était encore au fond celle de Bernardin de Saint-Pierre et de Chateaubriand : la sienne est celle d’Humboldt et déjà de Darwin. Tout imprégnés d’humanisme et d’anthropomorphisme, les Lamartine et les Hugo faisaient encore de la terre le centre du monde, et de l’homme lui-même le chef-d’œuvre et surtout l’enfant gâté de la création.


Mais la nature est là qui t’invite et qui t’aime
Plonge-toi dans son sein qu’elle t’ouvre toujours ;