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jusque dans la Légende des siècles, à ses premières origines, le titre lui seul des Poèmes antiques était assez significatif et assez éloquent. Je ne dis rien de la préface qui figurait en tête des premières éditions, et puisque le poète a cru devoir la supprimer, je n’en citerai rien. Mais quelques vers, que j’emprunte à la belle pièce d’Hypatie, — la vierge d’AIexandrie et la victime de Cyrille, — ne sont pas moins caractéristiques :


Ô vierge, qui d’un pan de ta robe pieuse,
Couvris la robe auguste où s’endormaient tes dieux,
De leur culte éclipsé prétresse harmonieuse
Chaste et dernier rayon détaché de leurs cieux,

Je t’aime et te salue, ô vierge magnanime ;
Quand l’orage ébranla le monde paternel.
Tu suivis dans l’exil cet Œdipe sublime,
Et tu l’enveloppas d’un amour éternel.


C’était vraiment une profession de foi. Avec une nuance d’impiété, par delà ce moyen âge dont les romantiques, tout en en exploitant le bric-à-brac pittoresque, s’étaient d’ailleurs formé l’idée la moins conforme à la vérité de l’histoire, le poète remontait jusqu’aux sources grecques, pour y retrouver, avec le thème favori de ses inspirations, le sentiment perdu de la beauté plastique.


Marbre sacré, vêtu de force et de génie,


s’écriait-il en s’adressant à la Vénus de Milo,


Déesse irrésistible au port victorieux,
Pure comme un éclair et comme une harmonie,
Ô Vénus, ô beauté, blanche mère des Dieux.