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est la contradiclion; et c’est ainsi que Leconte de Lisle a bien pu prendre sa part des libertés rendues au poêle par Hugo, mais les Poèmes antiques et les Poèmes barbares n’en ressemblent pas pour cela davantage à la Légende des siècles. J’ai fait observer à ce propos que, tandis que la religion de la beauté grecque emplissait, pour ainsi parler, les Poèmes antiques, au contraire la Légende — la première, celle qui parut en 1839 — ne contenait pas une seule pièce inspirée de la mythologie, de la légende, ou de l’histoire de la Grèce. Dans cette vaste fresque où le poète, selon son expression « ne s’était proposé rien de moins que de dépeindre l’Humanité successivement et simultanément sous tous les aspects : histoire, fable, religion, philosophie, science… » il n’y avait pas de place pour les dieux, il n’y en avait pas pour les héros, il n’y en avait pas pour les artistes ni pour les poètes de la Grèce ; et Rome même n’y est représentée que par le Lion d’Androclès. En revanche, les opinions personnelles du poète s’y retrouvaient, jusque dans le choix lui-même de ses sujets ; et par exemple, il n’a conçu tel de ses chefs-d’œuvre : la Rose de l’Infante, que pour y dire leur fait à Philippe II, roi d’Espagne ; au Pape ; et au catholicisme. Ce fanatisme anti-chrétien est le seul trait de ressemblance que je puisse apercevoir entre Hugo et Leconte de Lisle.

Mais pour tout le reste ils différent, et si le romantisme, issu en partie d’une révolte contre la tyrannie des « Grecs et des Romains » demeurait fidèle encore