gravité de ses conséquences condamnerait encore de
fausseté, s’il n’y suffisait pas du paradoxe de son
principe ! Mais c’est assez d’un Baudelaire ! Si nous ne
pouvons pas effacer son œuvre de l’hiistoire de la littérature,
ne la glorifions pas en lui dressant des statues !
N’émancipons pas de l’espèce de honte qu’ils éprouvent
à l’admirer d’honnêtes, de bons jeunes gens, qui,
dans quelques années, quand la vie leur aura donné
ce qui leur manque encore d’expérience, jugeront
sans doute les Fleurs du mal à leur véritable valeur !
Et, sous prétexte qu’il confondait volontiers, lui,
Baudelaire, l’horrible ou l’ignoble avec le beau, ne
prenons pas, nous, l’étonnement du dégoût pour
l’enthousiasme de l’admiration.
Après cela, discuterons-nous le talent de l’artiste ? Et parlerons-nous du prosaïsme fréquent de son vers, de l’impropriété de sa langue, de l’obscurité de sa pensée ? Nous n’aurions qu’à choisir :
Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse
Dans ce noir océan où l’autre est enfermé,
Et mon esprit subtil, que le roulis caresse,
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé…
ou encore :
Je t’adore à l’égal de la voûte nocturne,
Ô vase de tristesse, ô grande taciturne,
Et t’aime d’autant plus, belle, que tu me fuis,
Et que tu me parais, ornements de mes nuits,
Plus ironiquement accumuler les lieues,
Qui séparent mes bras des immensités bleues.