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SUR LA LITTÉRATURE CONTEMPORAINE.

S’il a, en effet, « ajouté quelques forces » à la poésie, nous lui devons aussi quelques tours de main, pour ainsi parler, dont le moins fâcheux n’est pas celui qui consiste à salir ou à souiller presque tout ce que l’on touche. Une Charogne en est un éloquent exemple :


Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants liailions.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s’élançait en pétillant :
On eût dit que le corps enflé d’un souffle vague
Vivait en se multipliant.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
À cette horrible infection,
Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !


Rien n’est plus simple, on le voit, ni d’ailleurs ne se confectionne à moins de frais. On prend le thème, le plus banal, c’est ici celui du néant de la créature, et, — pour rien, pour le plaisir, pour l’honneur, sans aucune intention de morale ni de satire, — on le « renouvelle » en le développant au moyen de métaphores ou de comparaisons tirées de tout ce que l’homme, depuis six mille ans, s’est efforcé d’écarter de sa vue. Lisez encore à cet égard un Voyage à Cythère ou l’Hymne à la Beauté.

Il est vrai qu’en revanche, on peut essayer « d’idéaliser » tout ce que le vice a de plus répugnant, comme