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NOUVEAUX ESSAIS


donc la pièce intitulée les Phares, et, du premier vers, de chacune des stances, que l’on retranche le premier mot : il semblera que ce soit le désordre, l’incohérence, ou la folie mêmes.


… Fleuve d’oubli, jardin de la paresse,
Oreiller de chair fraîche où l’on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s’agite sans cesse
Comme l’air dans le ciel, et la mer dans la mer.

… Miroir profond et sombre
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à l’ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays.

… Triste hôpital, tout rempli de murmures.
Et d’un grand crucifix décoré seulement,
Où la prière en pleurs s’exhale des ordures,
Et d’un rayon d’hiver traversé brusquement.


En vérité, ne diriez-vous pas de quelque sonnet de M. Mallarmé ? Mais, maintenant, rétablissez l’intégrité du texte, et lisez :


Rubens, fleuve d’oubli, jardin de la paresse…
Léonard de Vinci, miroir profond et sombre…
Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures…


Vous pourrez bien, encore ici, discuter la juste équivalence de ces transpositions ; et, si vous êtes « du monde », vous pourrez bien vous égayer de cette comparaison de Rembrandt avec « un triste hôpital », ou de Rubens avec « un oreiller de chair fraîche », mais vous n’en méconnaitrez pas au moins