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NOUVEAUX ESSAIS


quelquefois encore dans les romans de M. Huysmans, ou dans les vers de M. Paul Verlaine, tout cela, c’est du « baudelairisme » ; et, possible que depuis lors on en ait abusé jusqu’à la ridiculiser, mais ce n’en est pas moins là l’une de ses trouvailles ou de ses « notes » originales.


Comme d’autres esprits voguent sur la musique,
Celui de Baudelaire nage sur les parfums…


Ajoutons que, par cela même qu’il est le moins « spirituel » de tous, l’odorat est le sens dont les impressions s’échangent le plus aisément avec celles des autres. Disons mieux encore : il les sollicite ou il les provoque ; et tandis que les couleurs ou les formes limitent, pour ainsi parler, la liberté du rêve, en en dessinant les contours avec quelque précision, les odeurs au contraire l’émancipent, la favorisent, et l’exaltent. C’est ce que Baudelaire a mieux su que personne, et c’est ce qu’il a si bien exprimé dans le sonnet célèbre intitulé Correspondances :


Comme de longs échos, qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.


Lisez encore la Vie antérieure, Parfum exotique, ou les vers adressés à une Malabaraise. Quelque évident, et facile à imiter qu’il soit, le procédé est