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NOUVEAUX ESSAIS


appartiennent une Martyre ou les Femmes damnées ? Cependant, il a gardé jusqu’ici le silence, et j’en cherche vainement les raisons. Est-ce que peut-être il S8 réserve pour le jour de l’inauguration ? ou n’at-il jamais lu Baudelaire ? ou attend-il à intervenir que l’on ait proposé de dresser sur la place publique, dans une attitude analogue à leurs œuvres, la statue de Restif de la Bretonne, ou celle de Casanova ?

Mais, en ce cas, qu’il nous pardonne alors d’être moins ambitieux, ou moins dégoûtés que lui ! Assurément, il l’eût mieux dit lui-même, — avec plus de pleurs dans la voix, et je ne sais quoi de plus navré, de plus abandonné, de plus démissionnaire dans toute sa personne ; — mais enfin, si ce serait un scandale, ou plutôt une espèce d’obscénité que de voir un Baudelaire en bronze, du haut de son piédestal, continuer de mystifier les collégiens, il faut bien que quelqu’un le dise. Où les apôtres hésitent, il se pourrait qu’après tout un modeste « littérateur » réussit. Et, en vérité, nous ne croirions pas avoir fait une besogne inutile si nous avions détourné de souscrire au « monument » de Baudelaire, un seul de ses admirateurs.

Pour cela, nous nous garderons bien de disputer au poète son talent, non plus qu’aux Fleurs du mal leur place, et leur part d’intluence, depuis une trentaine d’années dans le mouvement de la littérature. La place est grande ; l’influence a été, n’est encore, de nos jours même, que trop considérable ; et de