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pour avoir fait un stage chez le notaire et chez l’avoué, mais pour avoir eu lui-même à se débattre contre de vrais créanciers, que Balzac a décrit si dramatiquement les péripéties de la déconfiture de César Birotteau, de même que, dans Illusions perdues, quand il retracera les angoisses de David Séchard, il n’aura qu’à se souvenir de celles qu’il a subies, quand il faisait, comme David, métier d’imprimeur.

C’est ce genre d’expérience qui avait fait défaut aux romanciers ses prédécesseurs, lesquels, depuis Le Sage jusqu’à madame Sand, ont tous vécu bourgeoisement, et ainsi, du travail, ou de la misère même, n’ont connu que la forme livresque, je veux dire celle qui n’a pour sanction ni la ruine totale, ni le déshonneur commercial, ni la responsabilité pénale. On devenait « gentilhomme » autrefois, quand on se faisait homme de lettres ; on prenait l’épée, comme Rousseau, n’eût-on quitté que de la veille la livrée de l’office ou de l’antichambre ; et du temps de Balzac on devenait au moins « bourgeois » ; on se classait dans les professions libérales, d’où l’on regardait d’un peu haut, — et dût-on crever de faim quand on