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personne… C’est pourquoi, dans la Nouvelle Héloïse, et bientôt dans Werther [1774], ce que l’on va s’efforcer de noter, comme aussi bien dans les Liaisons dangereuses, c’est en combien de manières un homme peut différer d’un autre homme, une femme d’une autre femme ; et le roman personnel se transforme en une représentation des cas exceptionnels. Chacun désormais va chercher en soi, et ne trouvera qu’en lui, la matière de son observation. Ce qu’il y croira voir de commun avec les autres hommes, il le négligera, pour ne retenir que ce qu’il s’attribuera de propre et de particulier, ou d’unique, pour mieux dire. Ce quelque chose d’unique, il n’écrira qu’afin de le mettre en lumière. Et, comme notre originalité, quelque idée que nous nous en formions, n’est jamais aussi rare, ni surtout aussi complète que nous le voudrions, c’est ce qui explique ce que l’on va voir s’introduire de révolutionnaire, en même temps que d’orgueilleux, dans le roman personnel. « Voilà mon histoire, et telle qu’elle est, ne ressemblant sans doute à celle de personne, ne concevez-vous pas l’estime que je m’inspire ? Mais combien cette histoire ne serait--