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l’évolution du genre, cette prédilection pour la forme du récit personnel ne tienne à l’intention de rendre le roman plus conforme à la réalité. Ces conteurs d’eux-mêmes sont comme autant de « témoins » de leur temps, qui déposent. Leur parole authentique le récit de leurs aventures. On discuterait peut-être avec l’abbé Prévost, on épiloguerait, on révoquerait tel détail en doute ! mais, le moyen de contredire Marianne, la Marianne de Marivaux, ou le chevalier Des Grieux ? et si quelqu’un doit ou peut savoir avec exactitude ce qui leur est arrivé, n’est-ce pas eux ? C’est ainsi que, par l’intermédiaire du récit personnel, s’introduit dans le roman un accent de réalité qui le rapproche de sa définition. En essayant de lui communiquer le genre d’intérêt qui plaisait dans les Mémoires, on donnait au roman personnel quelque chose de cet air vécu, qui est tout ce qu’on trouve quelquefois dans les Mémoires eux-mêmes, et qui suffit à les faire lire. De quelque façon que l’histoire soit écrite, on s’y plaît, parce qu’elle est l’histoire.

Le succès du roman par lettres, — de la forme de Clarisse Harlowe [1748] ou de la