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en comparaison de ce que sont les héros de l’énergie dans le roman de Balzac, ce Julien Sorel n’est qu’un fantoche, en qui je ne voudrais pas décider ce qu’il convient d’admirer le plus, de l’incohérence du personnage, ou de la fatuité de son auteur. Le seul Rastignac de Balzac est plus vrai dans un de ses gestes, que Julien Sorel dans toute sa personne ; et, si l’on veut des modèles de cette énergie suscitée dans les imaginations de la jeunesse d’alors par l’émulation de Napoléon, c’est dans la Comédie humaine que l’on les trouvera. On sait que l’un de leurs caractères est l’absence de toute espèce de scrupule, et c’est ce que l’on a quelquefois appelé l’immoralité de Balzac. Nous reviendrons dans un instant sur ce point, mais ici, où il ne s’agit que de la vérité humaine de l’imitation, nous nous bornerons à demander quels scrupules, de quelle nature, ont donc arrêté dans leurs entreprises un Napoléon, un Talleyrand ou un Fouché ?

Ce que Balzac n’a pas mis en une moindre lumière, c’est, dans la société nouvelle, issue de la Révolution, la désorganisation de la famille par la poussée de l’individualisme. Ici encore