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n’y a de place qu’à la littéralité de l’imitation et à la virtuosité de l’artiste. Je le dis du moins, sans en être absolument sûr, et tout prêt à croire qu’il y a quelque chose de plus dans un paysage de Ruysdaël. Mais ce qui est bien certain, c’est que, quand on « imite » une civilisation ou une société tout entière, alors, la fidélité de l’imitation va plus loin qu’elle-même ; et la « représentation de la vie » devient nécessairement une « étude de mœurs », comme disait Balzac, ou une « étude sociale », comme nous disons aujourd’hui. On ne peut écrire le Père Goriot ou la Cousine Bette sans y envelopper, fût-ce involontairement, une analyse des conditions de la famille française au XIXe siècle, et on ne peut peindre le Médecin de campagne ou le Curé de village sans y mettre en lumière la structure intime de cette société. En ce sens, il y a vraiment dans la Comédie humaine ce qu’on appelle de nos jours une sociologie. C’est elle qu’il nous faut étudier maintenant dans les romans de Balzac, et, après avoir essayé d’en dire la signification historique et la valeur esthétique, il nous faut essayer d’en mesurer la portée sociale.