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part, dans aucun autre roman, ni peut-être dans aucun livre d’histoire, on ait mieux reconstitué la pesante atmosphère qui fut celle où respira la France, de 1804 à 1812 environ. Un seul homme était tout un grand pays, qui ne vivait, ou ne semblait vivre, que de l’impulsion que cet homme lui communiquait. Là où il était, là battait le cœur de la France, et, de ce centre à la circonférence, les pulsations ne s’en transmettaient que ralenties et diminuées. On somnolait dans la paix du silence, et toutes les fonctions sociales semblaient interrompues, qui n’avaient pas pour objet de procurer de l’argent, des hommes, et des victoires à l’Empereur. Cependant, sous cette formidable compression, — à laquelle, maintenant que nous la connaissons mieux qu’au temps de Balzac, on n’en citerait guère qui soit comparable dans l’histoire, — des rancunes veillaient, habiles à se dissimuler, d’inexpiables rancunes, qui n’étaient retenues de se manifester imprudemment ou prématurément, que par la crainte de ne pas aboutir ; et c’est encore ce que Balzac a bien vu. Peut-être n’y a-t-il jamais eu, pas même à Rome sous les