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manière quand on loue des romans de Balzac leur vérité « documentaire » ou historique, et on veut dire, littéralement, que l’ensemble en équivaut à des Mémoires pour servir à l’histoire de la société de son temps. Les Mémoires de Guizot ont sans doute un autre genre de mérite : ils n’éclairent pas mieux que la Comédie humaine, d’un jour plus franc, souvent plus cru, l’histoire intime des quinze années de la Restauration et des dix-huit ans de la monarchie de juillet ; — et j’ajoute qu’ils n’en éclairent qu’une partie.

« Mon ouvrage a sa géographie comme il a sa généalogie et ses familles, ses lieux et ses choses, ses personnes et ses faits, » lisait-on dans l’Avant-propos de la Comédie humaine, et c’est d’abord ce qui en fait la valeur historique. Cherchez en effet, et, si vous le pouvez, mesurez dans l’œuvre des prédécesseurs de Balzac la place qu’y occupait la province. Elle est nulle, pour ainsi dire, et nos romans français du XVIIIe siècle ne sont jamais « localisés » qu’à Paris ou à l’étranger, dans l’Espagne de Le Sage, ou dans l’Angleterre de l’abbé Prévost. Mais, dans l’œuvre de Balzac, il a raison de le dire,