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HISTOIRE ET LITTÉRATURE.

des siècles aussi souvent que nos soi-disant tragiques du xviiie siècle se souvenaient d’Andromaque ou du Cid, ce n’est pas cependant la même chose. Dans quelque art que ce soit, il faut bien que nous subissions ceux qui nous ont précédés, puisque nous venons après eux. On ne voit pas, d’ailleurs, ce que nous gagnerions, s’ils ont porté quelque genre jusqu’à sa perfection, à vouloir ramener ce genre à son enfance. Seulement, tandis que nos dramaturges du xviiie siècle, tout en affectant une grande indépendance à l’égard des modèles, les reproduisaient cependant avec la plus fâcheuse et déplorable servilité, nos parnassiens, tout en protestant de leur admiration sincère pour leurs « maîtres », n’ont pas laissé de chercher en dehors d’eux des voies nouvelles et une carrière moins usée. J’ai tâché d’indiquer de quelle manière ils s’y étaient pris. En dépit des apparences, — et malgré quelques hésitations ou tergiversations facilement imputables à l’autorité d’un grand exemple, — les parnassiens ont essayé de rompre avec la poétique romantique, et, pour cela, dans tous les genres, dans le genre lyrique proprement dit et dans le genre descriptif, dans la poésie populaire et dans la poésie philosophique, de serrer de plus près une réalité dont le romantisme s’était si peu soucié, qu’il en avait érigé le mépris en principe.

C’est ainsi qu’au lieu d’être isolés, et comme à part du mouvement général de la pensée contemporaine, les parnassiens s’y trouvent étroitement rattachés.