Page:Brunetière - Histoire et Littérature, t2, 1885.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
LE PARNASSE CONTEMPORAIN.

ment mérité ce nom. Je veux dire qu’à ces sublimes lieux communs qui tiennent d’ailleurs si bien leur place dans l’œuvre de Lamartine ou de Victor Hugo, M. Sully Prudhomme a tenté de substituer les formules précises du spinozisme, du kantisme, de l’hégélianisme, du darwinisme, et généralement des doctrines ou des systèmes qui, tour à tour ou simultanément, se sont disputé et se disputent encore l’empire de la pensée contemporaine. Il n’a pas toujours réussi, mais il n’a pas écboué complètement. Et ne faut-il pas avouer que c’est beaucoup, si l’on considère les difficultés de la tentative ?

Ces quelques exemples, très divers, achèvent, je crois, de bien montrer la direction de l’essor et des ambitions de nos parnassiens. Après trente ans bientôt passés, les œuvres de M. Sully Prudhomme et celles de M. François Coppée répondent encore au programme que les premières poésies de M. Leconte de Lisle avaient jadis tracé. Rien ne serait plus facile que de leur être injuste. Il suffirait d’établir entre eux et leurs prédécesseurs, Hugo, Lamartine et Musset, la cruelle comparaison que les historiens de la littérature établissent entre nos grands tragiques et ces pâles imitateurs dont on pourrait bien dire qu’ils les ont parodiés plutôt encore que copiés : un Marmontel, un La Harpe, un Lemierre, grands hommes d’ailleurs en leur temps, et tous les trois académiciens. Mais la différence, est considérable, et, si les parnassiens se sont souvenus des Contemplations ou de la Légende