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HISTOIRE ET LITTÉRATURE.

de connaissance et de possession qu’il a des règles ou des lois de son art. Bien loin donc, comme on l’a prétendu , que la préoccupation du métier puisse jamais gêner la liberté de l’artiste, c’est au contraire aujourd’hui le seul moyen qu’il ait d’arriver à l’expression entière de sa pensée. Savoir, c’est pouvoir, selon la juste formule, et, dans chaque art comme dans chaque science, — les droits du génie mis à part, — on ne peut que dans la mesure où l’on sait.

L’œuvre des parnassiens, au surplus, est là pour nous prouver qu’on ne saurait, en manière d’art, tenter aucune innovation dans la forme qui, de proche en proche, et comme insensiblement, ne finisse par avoir renouvelé le fond. Rien qu’en se proposant, en effet, de remettre en honneur ce « respect religieux et de la langue et du rythme », ils s’étaient imposé à eux-mêmes l’obligation d’éprouver de plus près la qualité des syllabes, et, plus difficiles sur le choix des mots, ils s’étaient, par cela seul, rendus plus exigeants sur l’exactitude et la vérité des choses. Après les Victor Hugo, les Lamartine, les Musset, les Vigny même, on ne pouvait se faire sa place au-dessous d’eux qu’en suppléant à l’abondance de leur inspiration lyrique par un art plus complexe, plus savant, plus curieux. Mais cet art même ne pouvait trouver son support que dans une information plus vaste, une érudition plus précise, des connaissances plus étendues. C’est aussi bien ce que sentait vague-