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HISTOIRE ET LITTÉRATURE.

rence des images » ne sont peut-être pas toujours d’aussi grands vices de style que l’on croit.

Sans doute, ce sont là de pures questions de forme, — ou de métier même, — nous en convenons volontiers et les parnassiens avec nous. Seulement, dans le siècle où nous sommes, ces questions de métier, qu’en aucun temps d’ailleurs un vrai poète n’a pu dédaigner, sont insensiblement devenues l’art même, et j’ajoute que, plus nous irons maintenant, plus il semble évident qu’elles devront achever de se confondre avec lui. L’inspiration, sans une certaine règle, n’a jamais suffi toute seule à soutenir les œuvres ; et le talent naturel, sans une certaine discipline, de plus en plus rigoureuse, n’y suffira pas désormais. Car un cri du cœur, comme on dit quelquefois, cela fait toujours honneur à la sensibilité de celui qui le laisse échapper, mais nous avons tous poussé des cris du cœur, ou presque tous, et nous n’en sommes pas plus poètes pour cela. L’expression de ce cri du cœur, c’est-à-dire, — comme l’indique assez l’étymologie même du mot, — l’ensemble des moyens et la succession des artifices, qui, des profondeurs obscures de la sensibilité, l’amènent à la pleine conscience de lui-même et le fixent dans une forme éternellement durable, voilà la poésie, voilà l’art ; voilà aussi le métier, si l’on veut bien l’entendre. Et nous ne savons pas ce que la faiblesse de la rime ou l’impropriété des termes ajouterait d’éloquence à ce cri ; mais nous voyons au contraire très bien le sur-