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LE PARNASSE CONTEMPORAIN.

Si l’inexactitude plastique, pour ainsi dire, des métaphores et si l’incohérence des images, d’une part, sont, en effet, des vices du style, et des vices assez choquants, il est difficile de ne pas remarquer, d’autre part, que la cohérence absolue des images et l’exactitude entière des métaphores, sont une des formes les plus certaines de la préciosité. Lorsque Cathos dit à Mascarille : « De grâce, contentez un peu l’envie que ce fauteuil a de vous embrasser », elle n’est ridicule que pour vouloir pousser à bout une métaphore usuelle, puisque l’on dit couramment qu’un fauteuil a des bras. Et, de même, quand Trissotin, pour contenter « la faim » de Philaminte et d’Armande, joint « au plat » qu’il avait promis « le ragoût » d’un sonnet, qui est de sel attique « assaisonné » partout, et qu’il se flatte enfin que l’on trouvera « d’assez bon goût, » il n’amuse et ne fait rire que pour vouloir faire durer la cohérence de l’image au delà de ce que nous en pouvons supporter. Vingt autres exemples, que le lecteur n’aura pas de peine à retrouver dans sa mémoire, prouveront à tout le monde qu’il y a là un problème pendant. Si simple qu’il paraisse d’abord, il est au fond si difficile, il confine à tant de hautes et curieuses questions de la philosophie du langage en ce qu’elle a de plus mystérieux et de plus abstrus, que je n’en oserais pour le moment proposer aucune solution. Mais je puis toujours bien dire que, de l’existence d’un tel problème, il résulte que « l’inexactitude des métaphores » et « l’incohé-