Page:Brunetière - Histoire et Littérature, t2, 1885.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
219
LE PARNASSE CONTEMPORAIN.

rimer trop richement, ils aient bien des fois rimé très pédantesquement, c’est possible, c’est même certain. On en citerait trop d’exemples. Où les versificateurs d’autrefois mettaient à la rime ces épithètes vagues dont Boileau s’était déjà moqué, « crimes affreux » et « troubles cruels », « promesse trompeuse » et vengeance terrible », les Parnassiens ont mis trop de noms propres : de « Kailaça » et de « Daçaratha », de « Kymatolège » et « d’Autonoé », de « Khrysaor » et « d’Abd-el-Nur-Eddin », qui sonnent mieux peut-être, mais ne font pas meilleure figure. On le leur a d’autant moins aisément pardonné que, bien loin de savoir le grec, ils ont prouvé, quand ils ont voulu traduire Homère, qu’à peine savaient-ils le latin. Ils y ont mis aussi trop d’expressions techniques et trop de mots insignifiants qui, en obligeant la pensée d’enjamber sur le vers suivant, ont pour ainsi dire supprimé le temps même que devait marquer la rime. Et généralement, sous prétexte que la rime était tout, on peut dire qu’ils ont abusé du droit de cheviller en mettant à l’intérieur du vers les mots de remplissage que leurs prédécesseurs, plus naïfs, laissaient volontiers à la rime. Peut-être même est-ce ici, comme on le montrerait sans peine, l’une des différences qui distinguent le plus nettement notre ancien vers classique du vers improprement appelé romantique. Mais, en dépit des exagérations dont aucune réforme après tout ne saurait se défendre, le principe même