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LE PARNASSE CONTEMPORAIN.

ont seuls le droit d’empoyer admonition pour conseil, objurgation pour reproche, époque pour siècle, contemporain pour moderne… Mais nous, ouvriers littéraires, purement littéraires, nous devons être précis, nous devons toujours trouver l’expression absolue, ou bien renoncer à tenir la plume. » Cette leçon si simple, — si doctoralement et prétentieusement donnée, — prouve sans doute que Baudelaire, qui la donnait, M. Léon Cladel, qui l’a recueillie pieusement, et M. Catulle Mendès enfin, qui la reproduit avec admiration, n’avaient pas fait leur rhétorique, mais enfin la leçon est bonne. Tous les trois, fort ignorants des principes mêmes de l’art d’écrire, et ne sachant pas qu’ils traînaient partout, ont donc essayé péniblement de les réinventer ; on ne peut pas leur en faire un crime, on doit même leur en faire un éloge. Et, quand ils se plaignaient de la fâcheuse influence qu’exerçait, qu’exerce encore sur la langue le triste jargon des affaires et de la politique, ils avaient certainement raison. Après quoi, quand Baudelaire continuait en ces termes : « Examinez : ce mot n’est-il pas d’un ardent vermillon et l’azur est-il aussi bleu que celui-là ? Regardez : celui-ci n’a-t-il pas le doux éclat des étoiles aurorales, et celui-là la pâleur livide de la lune ? Et ces autres, où s’allument des scintillations égales à celles des crinières inextricables des comètes ! Et ces autres encore, en qui l’on découvre les arborescences splendides et prodigieuses du soleil ! » Baudelaire disait des sottises. À moins peut-