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HISTOIRE ET LITTÉRATURE.

ment rien au fond qui ne se puisse exprimer en prose, et l’autre, qui en découle comme une conséquence nécessaire, que les vers valent donc à peu près uniquement par la forme. C’est en passant ce qui explique pourquoi d’une langue à l’autre les poètes sont intraduisibles, comment il n’est pas envers eux de pire trahison que de les mettre en prose, et qu’aucun éloge ne leur agrée plus que de s’entendre dire qu’ils savent tous les secrets de leur art. C’est aussi l’explication du succès qui n’a jamais manqué même à des formes vides, pourvu qu’elles fussent neuves, originales ou savantes, des formes telles qu’en ont plus d’une fois imaginé l’auteur d’Émaux et Camées, ou, parmi les vivants, celui des Odes funambulesques.

Il importe évidemment que cette préoccupation de la forme ne dégénère pas en manie, et je ne voudrais pas répondre qu’à cet égard, les parnassiens fussent à l’abri de toute critique. J’estime au moins qu’on ne saurait leur faire un juste grief d’avoir enseigné, contre « l’école du bon sens » et de la faute de français, le respect absolu de la langue. « Ne confondez pas agréable avec aimable, accort avec charmant, avenant avec gentil, séduisant aqc provocant, gracieux avec amène, holà ! ces divers termes ne sont pas synonymes ; ils ont, chacun d’eux, une acception particulière, ils disent plus ou moins dans le même ordre d’idées, et non pas identiquement la même chose… Les griffonneurs politiques, et surtout les tribuns de même nature, enseignait Pierre Charles,