de Saint-Cyr, et tandis que, dans le roman même, il est des œuvres mal écrites qui ne sont pas moins extrêmement curieuses ou même presque de premier ordre, comme la Chartreuse de Parme ou comme la Cousine Bette, c’est vraiment en poésie que la forme est inséparable du fond, ou, pour mieux dire encore, que l’insuffisance et la banalité de la forme suffisent toutes seules à précipiter l’œuvre entière dans l’éternel oubli. Quoi de plus naturel ? quoi de plus légitime ? Si l’on écrit en vers, n’est-ce pas pour ajouter à la vérité du fond tout ce que la magie de l’art y peut ajouter de prestige, de séduction, de splendeur ? Et quelle raison aurait-on de mesurer, de cadencer, de moduler la pensée, s’il n’y avait dans la modulation, la cadence et la mesure une vertu propre et toute-puissante, à peu près analogue à celle de la ligne en sculpture et de la couleur en peinture ?
Les philosophes rechercheront là-dessus à quelle
nécessité de la nature humaine répond l’invention du
vers, d’où vient qu’il n’est pas de peuplade barbare,
sur les bords d’un fleuve africain ou dans une île perdue
de la Polynésie, dont les chansons de guerre ou
d’amour n’obéissent aux lois d’une rythmique inconsciente,
et selon quels rapports secrets ou quelles
affinités mystérieuses chaque langue a constitué son
système ou son art poétique. Pour nous, nous ne
voulons ici constater que deux choses : l’une, que les
vers, et surtout dans nos langues modernes, n’expri-