Page:Brunetière - Histoire et Littérature, t2, 1885.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
LE PARNASSE CONTEMPORAIN.

et quelles trahisons extraordinaires ou quelles déceptions inouïes avaient donc justifié les éclats de son désespoir ? Je ne décide point ici ni ne juge, mais je raconte et j’expose.

Baudelaire, dans ses Fleurs du mal, essaya donc de donner pour motif et pour thème au désespoir poétique des souffrances moins banales, plus particulières et plus rares, plus subtiles et plus aiguës, que la banale souffrance d’amour. M. Leconte de Lisle, dans ses Poèmes antiques et plus tard dans ses Poèmes barbares, en allant puiser aux sources d’une érudition plus sûre, s’efforça de représenter les civilisations antiques ou exotiques sous des traits moins généraux, d’un dessin plus précis, et d’une couleur locale plus authentique. Enfin M. Théodore de Banville, imitateur direct de Gautier, se proposa de rétablir dans ses droits « la forme » trop souvent négligée par Lamartine surtout, par Musset quelquefois, et par Victor Hugo même, lequel, à ce moment, n’était encore l’auteur ni de la Légende des siècles, ni des Chansons des rues et des bois. La théorie parnassienne était née.

Comment et pourquoi les questions de forme y prirent tout de suite une importance prépondérante, c’est ce que suffisent à nous expliquer les circonstances mêmes au milieu desquelles elle se développa. Si l’on admet, avec M. Taine, que la littérature est l’expression des sociétés, aussitôt les œuvres expressives et significatives de l’état social, — quels qu’en soient,