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HISTOIRE ET LITTÉRATURE.

façon de Joséphine ou de madame Tallien, vous verrez des Fontanes, des Lebrun, des Esménard s’empresser autour d’elle, et pour peu que la mode s’en mêle, ni eux ni elle ne vous paraîtront plus ridicules qu’à leurs contemporains.

Ainsi, ce qui fait qu’un lieu commun donne à rire, ce n’est pas qu’il est un lieu commun, c’est qu’il ne vient pas en son temps, c’est qu’il ne porte pas la marque du jour, c’est qu’il a plus d’âge, si je puis dire, que celui qui s’en sert et que ceux pour lesquels il s’en sert.

C’est aussi qu’il ne vient pas en sa place. Voici qu’un prédicateur menace l’impie « des foudres de la vengeance divine ». Lieu commun ! s’écrie-t-on aussitôt. Mais il pourrait répondre que ce n’est pas un lieu commun, pour lui, puisqu’il continue, pour lui, de croire fermement en une providence qui s’intéresserait directement au sort de chacun d’entre nous et, s’il le veut, il a certes le droit d’y croire. Admettons cependant qu’il ne parle ainsi que par métaphore. C’est alors comme qui dirait un grossissement de l’idée par les mots. Il veut appeler l’attention de son auditoire sur la crainte du châtiment qui menace le pécheur. Et comme peut-être ce mot de châtiment n’irait pas atteindre jusqu’aux fibres profondes qu’il s’agit pourtant de toucher, il fait ce que nous faisons tous quand nous élevons la voix pour nous faire mieux entendre, et nous faire mieux comprendre. Ce grossissement est légitime. On cite souvent le mot de Pascal :